Micronutriments. Les risques/bénéfices, bases de la règlementation

Véronique CoxamMarie-Josèphe Amiot-Carlin

Toute mise sur le marché d’un aliment relève d’un encadrement réglementaire reposant sur des principes stricts de sécurité des produits, de non-tromperie du consommateur et de concurrence loyale entre opérateurs économiques. Les aliments vecteurs de micronutriments ne dérogent pas à la règle.

Les micronutriments, composants de nos aliments, sont, par définition, dépourvus de valeur énergétique. Ils sont toutefois vitaux pour notre organisme et sont actifs à très faible dose. Ils incluent l’ensemble des vitamines, minéraux et oligo-éléments, ainsi que les micro-constituants des produits végétaux.

Notions de sécurité

La sécurité est un prérequis incontournable pour tout produit alimentaire, les exigences étant fixées dans le règlement 257/98 sur les nouveaux aliments. Pour pouvoir commercialiser une nouvelle denrée alimentaire, le fabriquant doit remettre, à un État membre de l’Union-Européenne de son choix, un dossier précisant les spécifications de son produit, les consommations anticipées, l’intérêt nutritionnel, ainsi que les données microbiologiques et toxicologiques. Le rapport d’évaluation alors établi sera ensuite soumis à l’analyse de l’ensemble des autres États membres, puis, en cas de désaccord, à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (Efsa, European Food Safety Auythority) qui établira un avis définitif.

Ce cadre juridique ne s’applique pas aux aliments traditionnels. Néanmoins, il concerne les micronutriments qui ont toujours suscité l’intérêt des scientifiques, industriels et, plus récemment, consommateurs car ils sont pressentis pour le développement de stratégies de prévention des maladies métaboliques et des principales pathologies chroniques liées au vieillissement. A ce titre, certaines préparations particulières utilisent des procédés d’extraction ou de purification pour les concentrer, ce qui modifie le profil naturel de l’aliment et les doses éventuellement ingérées. Dans d’autres cas, ils peuvent même être ajoutés aux aliments (dans un but nutritionnel ou physiologique). C’est alors le règlement 1925/2006 qui régit cette catégorie sur la base de trois listes d’ingrédients : l’annexe A comprend les substances interdites ; l’annexe B, les substances sous contrôle, avec des conditions d’emploi précises et l’annexe C, les substances en attente pour lesquelles il persiste des incertitudes scientifiques

Allégations réglementées

Selon le règlement 1924/2006, une allégation de santé se définit comme toute mention, non obligatoire de par la réglementation, qui affirme, suggère ou implique qu’un aliment ou un de ses composants possède des propriétés particulières pour la santé de celui qui le consomme. C’est donc cette législation qui encadre le discours nutrition-santé destiné au consommateur. Ces revendications sont de plusieurs niveaux.

Les allégations fonctionnelles (dites « article 13 ») font référence à la fonction normale d’un nutriment ou à un de ses effets considéré comme bénéfique pour la santé, à travers la maintenance ou l’amélioration d’une fonction de l’organisme, sans qu’il n’y ait de lien nécessaire avec une maladie. Elles sont génériques (fondées sur des connaissances généralement reconnues et acceptées) et sont utilisables par tous si les conditions d’usage sont remplies.

L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments veille aux allégations santé apposées sur les produits
L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments veille aux allégations santé apposées sur les produits

Des mentions santé interdites

Les allégations encadrées par l’article 14 du règlement font référence à la santé et au développement de l’enfant ou à la réduction d’un facteur de risque de maladie. Elles doivent nécessairement faire l’objet d’un dépôt de dossier scientifique spécifique. Toutefois, toute référence à la prévention, au traitement ou à la guérison d’une maladie est interdite, car relevant par définition du médicament. Seule la mention de réduction d’un facteur de risque de maladie est autorisée et le pétitionnaire doit justifier que le critère sur lequel il revendique un effet est bien un facteur de risque. De plus, selon le concept de « profils nutritionnels », pour pouvoir porter une allégation autorisée, les aliments doivent respecter des conditions de composition pour les nutriments dont la consommation en excès n’est pas souhaitable. L’évaluation est conduite par l’Efsa et l’autorisation éventuelle accordée par la Commission européenne.

Des micro-constituants qui posent problème

Si la démarche est relativement simple pour les vitamines et minéraux, bien que le niveau d’exigence scientifique aussi bien pour la démonstration de la sécurité d’emploi que pour celle de la véracité des allégations soit très élevé, les micro-constituants végétaux posent problème. N’étant pas indispensables, aucune référence n’a pu être établie (absence d’Apport nutritionnel conseillé (ANC) et par voie de conséquence aucun Apport Journalier Recommandé (AJR), à l’exception du b-carotène, en tant que précurseur de vitamine A). Ainsi, même si leurs propriétés anti-oxydantes (notamment pour les polyphénols) sont fréquemment mises en avant, l’Efsa a conclu que la simple existence d’un pouvoir antioxydant est insuffisante en soi pour justifier une allégation, car elle ne reflète qu’une propriété intrinsèque des molécules et non la réalité d’un effet biologique bénéfique pour la santé. En effet, la réduction de risque de maladie par une amélioration du statut oxydant n’a pas été établie par des essais cliniques d’intervention, bien que la contribution des phénomènes de peroxydation dans la physiopathologie de nombreuses maladies soit admise.

Les notions de risque-bénéfice

Avant toute recommandation, il est fondamental de sécuriser la consommation d’aliments. Ce n’est qu’à ce titre que le potentiel des micronutriments pourra être judicieusement exploité pour la santé des populations. Une telle démarche implique une considération holistique de la problématique. En effet, si les bénéfices santé des polyphénols sont largement connus, les risques possiblement associés à une consommation importante restent peu pris en compte. Ils incluent des problèmes d’antagonisme avec d’autres aliments (diminution de la biodisponibilité des minéraux et modulation de la glycémie par les polyphénols, réduction de l’absorption des vitamines liposolubles par les phytostérols) ou certains médicaments (antagonisme des composés phénoliques et des traitements anti-vitamine K, inactivation du métabolisme de certains médicaments comme les statines, benzodiazépines, inhibiteurs calciques… par la bergamotine du pamplemousse conduisant à une surexposition). Un surdosage peut également s’avérer nocif par l’induction d’effets pro-oxydants. Il ne faut pas non plus oublier que certaines molécules sont dotées d’une activité hormonale (cas des phyto-œstrogènes).

Une vigilance qui s’impose

Même si la plupart des études suggèrent que les activités délétères des micronutriments sont observées avec des doses supérieures à celles atteignables par voie alimentaire, les effets biologiques requièrent aussi souvent des concentrations élevées. De plus certains groupes de populations sont plus sensibles, notamment en raison d’un polymorphisme particulier permettant de moduler le métabolisme de ces composés. Il convient donc d’être vigilant lors de leur utilisation dans le cadre de traitements pharmacologiques.

A lire …

– Martin A (2012). Le chemin est encore long pour les phytomicronutriments. In : Les phytomicronutriments. MJ Amiot, V Coxam et F Strigler eds. IFN/FFAS, Editions Tec & Doc, Lavoisier, 371-376.

– Amiot MJ, Coxam V, Strigler F (2012). Les phytomicronutriments. IFN/FFAS, Editions Tec & Doc, Lavoisier, 382p.

 

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