Les ravageurs des Citrus : quelques données d’actualité

Jean-Claude Onillon

Si le nombre des ravageurs des plants de citrus de plein champ sont nombreux, surtout dans les régions chaudes, il n’en est pas de même pour les plants de citrus d’appartement. Pour ces derniers, quatre grandes familles d’insectes sont concernées : les aleurodes, les cochenilles, les mineuses et à un degré moindre les acariens.

 

Figure 1 : larves d'A. floccosus - © J.-C. OnillonFigure 2 : larves d'A. floccosus parasitées par C. noacki - © J. Daumal
Figure 1 : larves d'A. floccosus - © J.-C. Onillon                               Figure 2 : larves d'A. floccosus parasitées par C. noacki - © J. Daumal

 

Les aleurodes

Ils sont essentiellement représentés par deux espèces : l’une Dialeurodes citri Ashm., appelée plus communément l’aleurode des agrumes est originaire d’Asie. Introduite accidentellement en France en 1954 elle est très polyphage (plus d’une trentaine d’espèces de plante-hôtes) et présente deux générations par an avec hivernation au niveau du dernier stade larvaire. Peu d’auxiliaires indigènes, qu’il s’agisse de parasitoïdes¹ ou de prédateurs s’y intéressent. L’acclimatation en 1976 d’un parasitoïde originaire d’Inde Encarsia lahorensis (Howard) a permis de contrôler efficacement ce ravageur.

 

La seconde espèce, Aleurothrixus floccosus Maskell, plus communément appelée aleurode floconneux des agrumes a été introduite accidentellement à Nice en 1967. Originaire du continent sud-américain, elle présente 5 générations par an et doit sa nocivité à deux éléments complémentaires : les larves des deux derniers stades sécrètent des filaments cireux abondants et excrètent de fines gouttes de miellat. L’ensemble constitue un manchon gluant sur lequel se développe la fumagine. Une réduction importante des rendements est alors observée, en fleurs pour le bigaradier, en fruits pour les citronniers, orangers et clémentiniers. L’acclimatation, en 1971 de quelques centaines d’adultes de Cales noacki Howard, parasitoïde spécifique en provenance du Chili a assuré un contrôle des populations de l’aleurode floconneux proche de 99%.

 

Les cochenilles

Les cochenilles les plus nuisibles aux Citrus appartiennent à 4 familles : Diaspididae, Coccidae, Pseudococcidae et Margarodidae.

 

Dans la famille des Diaspididae, 4 espèces retiennent notre attention :

 

Aspidiotus hederae (Vallot)

appelé pou blanc. Espèce cosmopolite qui s’attaque à plus de 400 espèces de plantes-hôtes et présente 3 générations par an, avec de rares pullulations importantes sur Citrus. Les auxiliaires présents sont surtout des coccinelles, principalement Chilocorus bipustulatus L. Un parasitoïde, Aphytis melinus De Bach a été acclimaté sur olivier en Sicile avec succès.

 

Lepidosaphes beckii Newman

appelée cochenille virgule. Très reconnaissable avec son bouclier pyriforme légèrement recourbé et spécifique des agrumes, elle présente 2 générations par an. Les dégâts se caractérisent par une décoloration des feuilles, un dessèchement des rameaux et une défoliation qui peut être importante. L’introduction en 1974 sur la Côte d’Azur d’Aphytis lepidosaphes Compere originaire de Chine, puis son acclimatation réussie, ont permis de juguler de façon notable les pullulations de cette cochenille.

 

Lepidosaphes gloveri (Packard)

communément appelée cochenille serpette. Cette espèce, très polyphage est morphologiquement très voisine de la précédente et dans les régions méditerranéennes se retrouve plus fréquemment sur Citrus. A. lepidosaphes, précédemment cité, parasite aussi cette cochenille.

 

Unaspis yanonensis Kuwana

appelée cochenille asiatique des agrumes. Originaire d’Asie, elle a été accidentellement introduite sur la Côte d’Azur en 1963 et s’est rapidement étendue. Présentant 2 générations par an, elle manifeste un degré de nocivité élevé principalement sur les arbres à végétation dense avec défoliation partielle et dessèchement des rameaux attaqués. On reconnaît facilement cette espèce par le rassemblement des boucliers mâles de couleur blanche alors que les boucliers femelles sont de couleur brune et sont plus isolés. L’acclimatation d’un parasitoïde spécifique originaire de Chine, Aphytis yanonensis De Bach & Rosen, en 1984, a montré une efficacité intéressante mais l’équilibre reste excessivement fragile.

 



[1] Quelques rappels : Auxiliaire : tout agent susceptible d'apporter une aide biologique au contrôle du ravageur. Parasitoïde : espèce vivant aux dépends de son hôte et entraînant sa mort inéluctable par opposition au parasite qui vit dans son hôte mais ne le tue pas.


Figure 3 : adultes d'U. yanonensis - © J. DaumalDans la famille des Coccidae, 3 espèces représentent un danger certain pour les Citrus :

 

Saissetia oleae (Olivier)

appelée plus communément cochenille noire de l’olivier. Espèce très polyphage que l’on retrouve sur de très nombreuses plantes ornementales (Pittosporum, laurier-rose) ou arbustives (Citrus, olivier, figuier). Elle présente, en région méditerranéenne, une génération par an. La ponte s’échelonne sur 3 mois (mai à juillet) et les larves des deux premiers stades sont mobiles. Les dégâts, en cas de forte pullulation, peuvent être très importants par la ponction de sève provoquant la chute des feuilles et le dessèchement des rameaux, et par le rejet de miellat assurant le développement de la fumagine qui réduit la photosynthèse. Plusieurs parasitoïdes ont été acclimatés avec des degrés variables d’efficacité, Metaphycus helvolus (Compere) en 1969 et Metaphycus lounsbury (Howard) assurant respectivement de 30 à 50 % et de 30 à 80% de parasitisme sur les larves du troisième stade de la cochenille et Diversinervus elegans Silvestri en 1972 contre les adultes assurant un contrôle partiel du ravageur.

 

Coccus hesperidum L.

appelée également cochenille plate de couleur brun clair. Espèce très polyphage à reproduction parthénogénétique. De 3 à 4 générations annuelles peuvent causer des dommages importants notamment par la production importante de miellat responsable du développement de la fumagine. Plusieurs parasitoïdes dont M. helvolus précédemment cité ont fait l’objet d’acclimatations au niveau du Bassin Méditerranéen avec des degrés d’efficacité moyens.

 

Coccus pseudomagnolarium (Kuwana)

appelée également cochenille grise des agrumes. Espèce presque exclusivement agrumicole à reproduction parthénogénétique, souvent confondue avec la cochenille plate. Une génération par an pouvant causer les mêmes dommages que la cochenille plate. Deux parasitoïdes acclimatés : M. helvolus et M. lounsbury.

 

Dans la famille des Pseudococcidae une espèce majeure est à considérer :

 

Planococcus citri (Risso)

appelée cochenille farineuse des agrumes du fait de la substance cireuse blanche qui recouvre et protège son corps. Espèce très polyphage, elle se dissimule à l’aisselle des bourgeons ou à la base des feuilles ; les dégâts peuvent être très importants avec ralentissement de la croissance, jaunissement des feuilles puis défoliation. Trois acclimatations d’auxiliaires ont donné des résultats intéressants. En premier lieu une coccinelle très polyphage, Cryptolaemus montrouzieri Mulsant originaire d’Australie introduite en 1919 puis deux parasitoïdes : en 1972 Leptomastix dactylopii Howard, originaire d’Amérique du Sud, s’attaquant aux stades larvaires âgés de la cochenille et Leptomastidea abnormis (Girault) venant compléter l’action parasitaire sur les jeunes larves de l’hôte. Ces trois auxiliaires présentent une efficacité optimale entre 22° et 28°C. Un parasitoïde indigène Anagyrus pseudococci (Girault) est un auxiliaire dont l’action n’est pas négligeable sur la larve âgée et la femelle adulte.

 

Dans la famille des Margarodidae une seule espèce, et quelle espèce… est inquiétante. Il s’agit d’Icerya purchasi Maskell, appelée plus communément la cochenille australienne. Originaire d’Australie, elle s’est répandue dans toutes les régions du globe. Très polyphage, elle manifeste une préférence pour les agrumes et le pittosporum. Deux à trois générations peuvent se succéder avec hivernation au dernier stade larvaire. Les dégâts peuvent être très importants avec encroûtements sur les tiges déformées et développement important de fumagine. L’introduction en 1912 d’une coccinelle en provenance d’Australie, Rodolia cardinalis (Mulsant) a permis d’assurer un contrôle biologique spectaculaire qui se perpétue un siècle plus tard.

 

Figure 4 : femelle de P. citri commençant à pondre et jeune femelle - © J. DaumalFigure 5 : adulte de C. montrouzieri - © J. DaumalFigure 6 : dégâts de P. citrella sur jeunes pousses - © J. Daumal

 

La mineuse

Ce micro-lépidoptère Phyllocnistis citrella Stainton, originaire de l’Asie du Sud Est a été détecté en Corse en 1994. Présentant de 4 à 5 générations annuelles, ce papillon pond ses œufs de préférence sur les jeunes feuilles. Les larves qui éclosent pénètrent sous la cuticule de la feuille et creusent des galeries provoquant une crispation des feuilles puis leur dessèchement en cas de fortes infestations. Plusieurs espèces de parasitoïdes ont été testées dont Ageniaspis citricola Loginovskaya et Semilacher petiolatus Girault.

 

Moyens de lutte

Essentiellement basés à l’origine sur la lutte chimique, ils ont considérablement évolué avec les opérations d’acclimatation d’entomophages, plus précisément de parasitoïdes. Ces opérations d’acclimatations ont nécessité de longs travaux de recherches se soldant parfois par des résultats spectaculaires (cas de l’acclimatation de R. cardinalis contre I. purchasi et de C. noacki contre A. floccosus) mais également par des résultats moyens comme ceux présentés par Aphytis yanonensis contre U. yanonensis.  Dans tous les cas l’enrichissement de la biocénose parasitaire a été bénéfique, le nombre de générations de l’hôte et la rigueur des conditions climatiques pouvant assurer le maintien de l’auxiliaire sans autoriser totalement le contrôle total du ravageur. Contre certains ravageurs, la lutte chimique reste un élément de recours pour maintenir une intégrité physique du végétal et certains produits (insecticides systémiques, huiles blanches) restent d’actualité malgré le fait que les produits les plus efficaces ne sont réservés qu’aux professionnels. Tous les renseignements concernant le mode d’action des insecticides contre aleurodes, cochenilles, mineuse et pucerons, leur spécificité, leur législation et leurs modalités d’emploi sont consultables sur le site Techagrumes cité plus bas. Une demande croissante des producteurs de légumes menés en lutte biologique ou intégrée ont amené certaines firmes (Biobest, Biotop, Koppert...) à produire et commercialiser des auxiliaires susceptibles d’intervenir à forte dose dans des milieux confinés comme les cultures sous serre. Dès lors, certains auxiliaires à large spectre d’activité comme quelques prédateurs (Cryptolaemus montrouzieri) et de rares parasitoïdes (Anagyrus pseudococci) peuvent être utilisés, avec succès, contre certains ravageurs des citrus, notamment les cochenilles farineuses.

 

Pour en savoir plus

Jourdheuil P., Grison P. et Fraval A. 1999. La lutte biologique : un aperçu historique. Dossiers de l’environnement de l’INRA, 19, 213-233

Techagrumes. Fiches d’information sur les ravageurs des agrumes



Cet article est une synthèse des réponses aux questions d'intérêt posées sur le service Hortiquid.
Des experts répondent aux questions des jardiniers.
> découvrez le service

 

JdF 623, mai-juin 2013