Les chênes de l’arboretum de Mulhouse

Luc Gallé

GENESE D’UN ARBORETUM

En 1993 le Service des espaces verts de Mulhouse se voit confié 10 ha de terres agricoles sur les 85 acquis par la ville pour protéger les puits de captage d’eau potable des pesticides, herbicides et autres engrais chimiques. Un arboretum y est planté avec des essences de provenances diverses (Amérique du Nord, Est de l’Europe, Extrême-Orient) afin d’étudier le comportement des différents sujets vis-à-vis du climat (type continental), de la pluviométrie (577 mm par an en moyenne) et de la pédologie (sol limoneux). Cette expérience doit permettre de sélectionner les éléments les plus intéressants pour les espaces verts de la ville.

Arboretum de Mulhouse - © L.Gallé

La collection de chênes y a la part belle, elle compte aujourd’hui 247 arbres répartis en 97 taxons. On y trouve :

 

DES CHÊNES DE PRESQUE TOUS LES CONTINENTS

Le genre Quercus inclus dans la famille des fagacées comprend près de 600 espèces à travers le monde (Amérique du Nord et Amérique Centrale, Europe, Asie, Afrique du Nord). Il présente des diversités morphologiques importantes allant de l’arbrisseau à l’arbre de 30 m de haut,  avec un feuillage soit persistant soit caduque. Il présente une capacité d’adaptation au climat et au sol, exceptionnelle. L’identification d’un chêne demande la prise en compte de plusieurs caractéristiques : la durée de maturation des fruits (annuelle ou sur 18 mois), la taille, la forme et la structure des cupules, le type et la position des poils foliaires, l’origine géographique, l’avortement des ovules, la forme et la taille des feuilles, le degré d’amertume du gland.


Arboretum de Mulhouse au printemps -© L.GalléArboretum de Mulhouse en automne - © L.Gallé

 

UNE CLASSFICATION PRÉCISE

Les chênes présents dans l’arboretum font tous partie, d’après la classification la plus récente du sous-genre Quercus, l’autre sous-genre, celui des Cyclobalanopsis n’étant composé que de chênes poussant en Asie tropicale et subtropicale.

Le sous-genre Quercus est lui-même divisé en 3 sections :
- la section Lobatae ou Erythrobalanus (chênes rouges)                                       
- la section Protobalanus  (chênes dorés ou chênes intermédiaires)          
- la section Quercus anciennement Lepidobalanus (chênes blancs) divisée quant à elle en 3 sous-sections :

          - sous-section Cerris         
          - sous-section Ilex
          - sous-section Quercus                                                                                                        

La collection comprend surtout des chênes de la section Lobatae et de la section Quercus mieux adaptés à notre climat. 

 

DES CHÊNES AMERICAINS

Tous les chênes de la section Lobatae ou chênes rouges proviennent du continent américain : Amérique du Nord, Canada, Mexique, Amérique centrale jusqu’en Colombie.  Il peut s’agir de grands arbres ou d’arbustes. Le fait que les glands soient murs entre 18 et 24 mois représente une des caractéristiques principale de cette section. Ils présentent tous des silhouettes et des feuillages plus étonnants les uns que les autres.

Les plus remarquables sont :

Q. imbricaria - © L.Gallé

 

Le chêne à lattes (Q. imbricaria Michx )

qui peut atteindre de 20 à 25 m de haut. Ses feuilles entières au bord ondulé sont marcescentes et ressemblent plutôt à des feuilles de laurier. Cette espèce pousse en  Pennsylvanie, en Caroline du Nord, dans l’Iowa, dans le Michigan. Son bois était utilisé par les colons français de l’Illinois pour en faire des lattes pour les  toits (bardeaux). Il préfère les sols frais à sec et riche. Sa forme particulière en fait un arbre extraordinairement attrayant. Autre caractéristique intéressante : on ne lui connait pas ou peu d’ennemis.

 

Le chêne à feuilles de saule (Q. phellos L. )

quant à lui est un arbre à grand développement (de 25 à 35 m) à feuilles caduques, obovales à lancéolées. Son nom vernaculaire peut prêter à confusion. Cette espèce pousse au bord des marécages d’Amérique du Nord. Il s’agit d’un arbre très ornemental qui se transplante facilement et qui présente une bonne résistance au vent. Son nom vient du grec ‘phellos’ probablement du fait que son écorce est épaisse sur les vieux arbres.

 

Q. phellos - © L. GalléQ. phellos - © L. GalléLe chêne à feuilles de saule ‘Latifolia’ (Q. phellos ‘Latifolia’)

est un hybride de Quercus phellos aux feuilles comportant des lobes. Il aime les sols frais.  Ses colorations automnales allant du jaune au rouge écarlate le rendent encore plus attractif.

 

 

Q. falcata var. pagodifolia - © L.GalléLe chêne à feuille en faucille (Q. falcata var. pagodifolia Elliott)

est une forme  méridionale du chêne rouge américain. Il présente un feuillage plus décoratif en forme de pagode. Le nom vernaculaire américain Cherrybark oak (chêne à écorce de cerisier est plus approprié pour décrire ce chêne parce que son écorce ressemble à celle du cerisier sauvage (Prunus serotina). L’on peut extraire une teinture jaune de son écorce (quercitron).

 

Le chêne des marais pleureur ( Q. palustris ‘Pendula’)

est une forme retombante du chêne des marais, on le trouve dans l’Est et au Centre des Etats-Unis, ses feuilles sont lisses et profondément découpées à 3 ou 4 paires de lobes anguleux comportant plusieurs soies au revers des feuilles. Ce chêne très élégant au feuillage léger passe par des colorations automnales splendides. Il est bien adapté à la plantation en ville car ses racines supportent d’être recouvertes de macadam.

 

 
Q. rubra 'Aurea' - © L.GalléLe chêne rouge à feuilles jaunes (Q. rubra ‘Aurea Sunshine’)

est un cultivar obtenu à partir de semis aux Pays-Bas en 1878, sa hauteur maximale est de 15 m et sa couronne est ovale et étroite. Les feuilles semblables à l’espèce mais de couleur jaune sont sensibles au soleil estival qui les brûle et amoindrit son esthétique dès le début de l’été.

 

Le chêne de l’Arkansas (Q. arkansana Sarg.)

présent en Alabama, Arkansas, Floride et en Géorgie peut atteindre 18 m de haut, sa couronne peut être arrondie ou étroite.

Ses feuilles sont convexes, triangulaires avec 2 ou 3 lobes peu marqués. Il présente des caractères variables tant au niveau des lobes et de la taille des glands, que de l’écorce, ce qui rend son identification difficile.

 
Le chêne de Shumard (Q. shumardii Buckl.)

pousse dans le sud-ouest de l’Amérique du Nord sur les berges des cours d’eau. On le rencontre le plus souvent en situation isolée plutôt qu’en plantations de type forêt. Aux Etats-Unis ce chêne très populaire est très apprécié car il présente une superbe silhouette aux branches très larges et aux colorations printanières et automnales magnifiques. Généralement de petite taille, ses feuilles ont la même forme que celles du chêne liège divisées en lobes pointus.  

 
Le chêne des teinturiers (Q. velutina Lam.)

doit son nom à son écorce interne jaune-orangée autrefois utilisée comme teinture. Son nom latin traduit la particularité de la face inférieure du limbe qui présente une pilosité importante. Sur le dessus, ses feuilles sont d’une brillance surprenante. Il croît naturellement dans les forêts rocheuses d’altitude, du sud de l’Ontario et du sud-ouest du Maine à la Floride et au Texas. Il peut atteindre 20 à 25 m de haut. Ses feuilles qui peuvent atteindre 20 cm de long comportent un nombre variable de lobes, chacun terminé par une soie fine.

 

DES CHÊNES PROVENANT DE TOUTES LES PARTIES DU MONDE EXCEPTE L’AMERIQUE

La sous-section Cerris n’est présente qu’en Europe, en Afrique du Nord en Asie mais pas en Amérique. Les chênes de cette sous-section peuvent être des arbres ou des arbustes à feuillage caduc, persistant ou subpersistant, le plus souvent denté. Le gland est mur en 18 mois et est très amer.

 

Cette sous-section est représentée dans la collection par :

Q. acutissima - © L.Gallé

Q. cerris 'Marmorata' - © L.Gallé

Le chêne à dents de scie (Q. acutissima ssp acutissima Carr.)

qui pousse dans le sud-est asiatique occupant les reliefs entre 50 et 2300 m d’altitude. Il peut atteindre de 10 à 25 m de haut, sa feuille ressemble à celle d’un châtaigner, mais à denture plus fine. Ce chêne préfère les sols sableux, siliceux et légers, surtout filtrant. Son bois dur et rougeâtre est utilisé en Chine pour la construction de bateaux et comme bois d’œuvre. Au Japon il est très utilisé comme bois de chauffage car il peut être cultivé en taillis la souche émettant beaucoup de rejets. Son port élégant lui confère aussi un rôle ornemental.

 

Q. cerris 'Argenteovariegata' - © L.Gallé

Q. cerris 'Argenteovariegata' - © L.Gallé

Le chêne chevelu à feuillage marmoré (Q cerris ‘Marmor Star’)

est un cultivar du chêne chevelu. Ses feuilles sont marbrées de jaune et vert (voir photo). Il a été sélectionné en 1965 à l’arboretum de Trompenburg. C'est un arbre de taille moyenne, assez irrégulier. Cette sélection ne présente pas d’intérêt particulier, sauf au printemps car son caractère marbré disparait  rapidement au court de la saison.

 

Q. castaneifolia 'Green-spire' - © L.GalléLe chêne chevelu à feuilles marginées de blanc (Q. cerris ‘Argenteovariegata’)

est un cultivar du chêne chevelu à couronne conique, il peut atteindre 20 m de haut. Les feuilles sont jaune crème au bord et vert brillant dans la partie centrale. Cette panachure varie beaucoup d’une feuille à l’autre.

 

Le chêne à feuille de châtaigner ‘Green Spire’ (Q. castaneifolia ‘Green Spire’).

Le type est originaire du Caucase et d’Iran où sa silhouette arrondie peut atteindre 25 m de haut. La  variété présentée a été obtenue par les pépinières Hillier en 1948. Son port est étroit et convient donc bien à la plantation en milieu urbain. Ses feuilles sont de forme oblongue, vert foncé luisant au revers glauque. Le bord du limbe laisse apparaître de grandes dents aiguës.

 

Q. trojana - © L.GalléLe chêne de Macédoine (Q. trojana)

est originaire d’Albanie, d’Italie, de Grèce, de Turquie et de l’ex-Yougoslavie. Il a un port assez rigide. Il peut atteindre 15 à 18 m de haut. Son développement est moyen. Sa feuille est coriace, oblongue lancéolée et glabre ; elle porte des dents courtes et espacées. Son feuillage est semi-persistant.

 

 


DES CHÊNES MEDITERRANEENS

La sous-section ilex peuplant les régions du pourtour méditerranéen est composée d’arbres ou d’arbustes aux feuilles alternes, persistantes, coriaces, vert foncé sur le dessus, tomenteuses, blanc-jaunâtre sur le dessous, à pétiole court. Cette sous-section n’est représentée, climat oblige que par Q. ilex (chêne Vert ou Yeuse).


LES PLUS REPRESENTES AU SEIN DE L’ARBORETUM

La sous-section Quercus, qui, dans la nouvelle classification englobe aujourd’hui la sous-section Mesobalanus anciennement chênes hongrois et arméniens, a l’aire de répartition la plus large (Amérique, Asie, Europe). Les fruits mûrissent en 6 mois. Ils sont doux à légèrement amers. Les représentants de cette sous-section sont de loin les plus nombreux au sein de l’arboretum.

Q. cerris - © L.GalléQ. coccinea - © L.Gallé Q. frainetto - © L.GalléQ. marilandica - © L.GalléQ. marilandica - © L.GalléQ. robur 'Cristata' - © L.GalléQ. robur 'Pectinata' avec galle - © L.GalléQ. x fernaldii - © L.GalléQ. x fernaldii - © L.GalléQ. x macon - © L.Gallé

On y trouve entre autre :      

Le chêne lyre (Quercus  lyrata Walt.).

Son nom fait référence à la ramure en forme de ‘lyre’, aux branches principales érigées et aux extrémités retombantes. Ce chêne pousse dans le sud-est des Etats-Unis en zone humide. Son nom vernaculaire américain ‘Overcup’ traduit le fait que la cupule enveloppe presque entièrement le gland ce qui lui permet de flotter et d’être disséminé grâce au courant de l’eau, ce qui est un processus unique pour le genre Quercus.

 
Le chêne sessile à feuillage pourpre (Q. petraea ‘Purpurea’)

est un chêne sessile à feuillage pourpre.

 
Le chêne sessile à feuilles laciniées (Q. petraea ‘Laciniata’)

est un chêne sessile à feuillage lacinié de forme spectaculaire mais peu esthétique.

 
Le chêne pédonculé à feuillage panaché de blanc. (Q. robur ‘Argenteovariegata’)
 
Le chêne pédonculé à feuille de saule, fastigié (Q.robur ‘Salicifolia Fastigiata’ ) ou ‘Salfat’.

Les feuilles de cet arbre fastigié sont coriaces, entières, ovales à elliptiques à la base arrondie. Cette sélection néerlandaise datant de 1974 est de croissance lente. Les branches érigées et tortueuses s’entrecroisent et se soudent parfois. Sa silhouette hivernale est elle aussi très décorative.

 
Le chêne pédonculé à feuilles crispées (Q. robur ‘Cristata’)

est un arbre de petite taille qui forme des bouquets de feuilles non pédonculées. Il s’agit d’un mutant d’avant 1917. Le fait que les feuilles soient regroupées donne un aspect très aéré à la silhouette de l’arbre.

Q. lyrata - © L.GalléQ. petraea 'Purpurea' - © L.GalléQ. petraea 'Laciniata' - © L.Gallé

Q. robur 'Salicifolia Fastigiata' - © L.GalléQ. Cristata - © L.GalléQ. robur 'Cristata' - © L.Gallé


Le chêne pédonculé ‘Concordia’ (Q. robur ‘Concordia’)

est un cultivar issu des pépinières belges Van Geert en 1843. Ses feuilles jaunes le rendent très attrayant. Sa croissance est lente. Ses feuilles sont souvent brûlées par le soleil estival.

 
Le chêne tauzin pleureur (Q. pyrenaica ‘Pendula’)

pousse dans l’ouest de la France, en  Espagne et au Portugal. Il peut atteindre 20 à 25 m de haut. Ses feuilles variables (environ 15 cm de long) ont des lobes arrondis cunéiformes. Leur revers est pubescent. La forme retombante se cultive depuis 1822. 

 
Le chêne à gros fruits (Q. macrocarpa Michx)

pousse dans l’est du canada et des Etats-Unis. L’arbre peut atteindre 20 à 25 m de haut. Les feuilles sont souvent très grandes (jusqu’à 25 cm de long et 13 cm de large). Elles ont de 5 à 7 lobes sur la partie inférieure et des dents profondes vers l’extrémité arrondie. Le caractère le plus marquant de cet arbre est un gland énorme mesurant jusqu’à 5 cm de long et de large.

 
Le chêne de Hongrie (Q. frainetto Ten)

est un gros arbre pouvant atteindre 35 m de haut. Il pousse dans les Balkans, la Turquie et le sud de l’Italie. Les feuilles caduques (20 cm de long et 12 cm de large) sont profondément lobées et arrondies. La surface supérieure est vert foncé et lustrée. Il s’agit d’un arbre facile à cultiver à l’aspect très décoratif de par la forme de ses feuilles et leur disposition sur les branches.

 
Le chêne jaune (Q. muehlenbergii Engelm.)

pousse dans l’est des Etats-Unis. C’est un arbre de 20 à 25 m de haut à cime arrondie et étroite. Ses feuilles rappellent celles  du châtaigner devenant orange ou écarlates à l’automne. Il a été introduit en Europe en 1822.

Q. robur 'Concordia' - © L.GalléQ. frainetto - © L.GalléQ. frainetto - © L.GalléQ. muehlenbergii - © L.Gallé

Q. pontica - © L.Gallé Q. pontica - © L.GalléQ. pontica - © L.Gallé

 
Le chêne d’Arménie (Q. pontica K. Koch).

Il pousse dans le Caucase et en Arménie sous forme d’arbuste pouvant atteindre 6 m de haut. Ses rameaux épais sont rouge-brun foncé, ils portent des feuilles coriaces et très décoratives prenant de magnifiques couleurs orangées en automne. C’est un chêne à croissance lente, fortement charpenté et d’allure élégamment arrondie. Il peut être recommandé comme curiosité dans les petits jardins ou pour des plantations en bac.

 

De façon générale la plupart des espèces ont bien évolué et  beaucoup ont été introduites en ville en tant qu’arbres d’alignement ou de square comme par exemple : Q. phellos, Q. palustris ‘Pendula’, Q. palustris ‘Green Dwarf’, Q. bicolor, Q. turneri ‘Pseudoturneri’, Q. ilex ‘Hispanica’, Q. coccinea, Q. acutissima, Q. petraea columnaris, Q. frainetto, Q. pontica. Certains taxons, trop artificiels ont tendance à dégénérer, d’autres ne sont beaux que deux à trois mois par an (feuillages trop panachés, trop déformés). Depuis 2009 de nouveaux taxons sont plantés afin de suivre leur évolution : Q. gambellii, Q. heterophylla, Q. jackiana, Q. alba ‘longigemma’, Q. X capessii, Q. prinus, Q. dentata ssp. Yunnanensis, Q.  sessilis ‘Columna’, Q. rysophylla ‘Maya’, Q. hemispherica. Ils se   comportent de manière satisfaisante malgré l’hiver dernier où, en Alsace, nous avons connus des températures inférieures à -17°C.

Arboretum de Mulhouse - © L.GalléArboretum de Mulhouse - © L.Gallé

Références bibliographiques :

- Handbuch der Laubgehölze de Gerd Krüssmann                                                                              

- Guide illustré des Chênes de A. Le Hardÿ de Beaulieu et Thierry Lamant aux éditions Edilens -Encyclopédie des arbres de David More et John White chez Flammarion

 

novembre-décembre 2012