Le bouturage ou comment naissent les racines adventives

Noëlle Dorion

Réussir un bouturage est une question qui préoccupe un grand nombre de jardiniers. Le service de réponses aux questions de la SNHF (RAQ), aujourd’hui dénommé Hortiquid, est régulièrement sollicité sur ce sujet. Ces quelques lignes ont pour objet de faire un point rapide sur ce procédé de multiplication et sur les principaux facteurs à prendre en compte pour sa réussite. Le bouturage est une opération importante en horticulture puisqu’il permet la multiplication à l’identique et à moindre coût, de plantes dont la conformité ne peut pas (ou difficilement) être obtenue par le semis. C’est le cas de plantes herbacées telles que les Pelargonium, les chrysanthèmes, les coleus (Solenostenum) et surtout de presque tous les ligneux ornementaux, arbres ou arbustes. L’opération de bouturage recouvre deux évènements principaux : la production de racines adventives  à partir d’un fragment de plante mère (tige, feuille,..) puis la reconstitution d’une plante entière à partir de ce fragment enraciné.

 

Bouture hormonée d'Epicea - © N. DorionUne organisation interne plus ou moins complexe

L’apparition de racines sur une bouture implique que certaines cellules de cette bouture échappent à l’organisation initiale des tissus, pour former un ensemble méristématique (cellules en divisions actives) s’orientant vers le processus de rhizogenèse. Quel que soit l’organe (tige, feuille,..), ce sont le plus souvent les cellules des tissus profonds qui sont à l’origine des racines et, en particulier, des tissus proches des zones vasculaires (xylème et phloème) et du cambium . Cette origine n’est pas anodine, puisqu’un élément essentiel de la réussite du bouturage est l’existence d’une continuité vasculaire entre la bouture et la racine adventive qui va apporter eau et éléments minéraux au nouvel individu. La blessure, provoquée par la séparation de la plante mère, conduit à la réactivation cellulaire et à la mise en place des méristèmes racinaires. Il s’agit d’abord d’un cicatrisation de la base des boutures avec quelquefois production d’un cal dont le rôle peut-être déterminant chez les espèces dites récalcitrantes car des racines peuvent y prendre naissance (sapin, épicea, if,…). Le plus souvent, l’apparition des racines se produit hors du cal, mais à proximité car cette naissance est le résultat de l’activité métabolique complexe de cicatrisation et en particulier de l’influence d’une phytohormone naturelle : l’auxine (Acide indole acétique). Chez certaines plantes, que l’on connaît comme faciles à bouturer (peuplier, saule, groseillier, jasmin,..), les méristèmes racinaires sont déjà présents naturellement à l’état latent, seule la réactivation étant induite par la blessure. La croissance des racines peut être ralentie ou arrêtée par des tissus internes ou superficiels plus ou moins rigides, d’où le recours à l’utilisation de certains traitements amollissant ou disloquant l’écorce.
 

Taille sévère sur pied mère d'épicea - © N. DorionUn phénomène sous influence multiple

Les facteurs qui influencent la capacité d’enracinement des boutures sont complexes. Ils sont liés à la plante mère ou à la bouture elle-même. Ill s’agit de facteurs internes qui peuvent être fixés (génétique, maturité, polarité…) ou non (hormones, métabolites,…) ou de facteurs externes (environnement physique et chimique). Concernant les végétaux ligneux généralement difficiles à bouturer, du point de vue des plantes mères, pour une même espèce, les différents cultivars sont plus ou moins aptes au bouturage. Il existe aussi des situations, dans la plante mère, plus propices au bouturage, par exemple la proximité du système racinaire. Ainsi de jeunes pousses, issues de la bases des plantes (rejets, broussins,..) ou de leurs racines (drageons) fournissent d’excellentes boutures. Ces pousses présentent souvent des caractères de juvénilité (croissance vigoureuse et orthotrope, feuilles juvéniles, absence de floraison) or il a été montré qu’il existe un lien fort entre juvénilité et aptitude au bouturage. Dans la pratique, on cherchera à maintenir l’état juvénile par l’utilisation du recépage des plantes mères quand c’est possible, par la pratique de taille sévère ou taille en haie quand elles ne supportent pas le recépage (par exemple pour les pieds mères de Picea abies et de Pinus radiata) ou, dans les cas les plus difficiles, par la culture in vitro (Rhododendron, pêcher). En mettant en œuvre ce concept de rajeunissement, Gilles Galopin a pu maîtriser pour plusieurs espèces horticoles (hortensia, forsythia, myrtillier américain) la fabrication de « micro pieds mères », suffisamment juvéniles pour produire en continu de nombreuses pousses herbacées, homogènes et facilement enracinables. Dans le cas très difficiles des arbres adultes très âgés (séquoia, platane), il a été possible, à l’AFOCEL (Association Forêt cellulose) notamment, d’obtenir un rajeunissement compatible avec le bouturage après plusieurs cycles de greffage sur jeune semis.

 

Boutures de pêchers rajeunis par CIV - © N. Dorion

 

Créer des conditions favorables

Du point de vue des boutures, plusieurs faits sont à considérer. Dans le cas où la réussite du bouturage est aléatoire ou difficile, l’utilisation de l’auxine peut améliorer et régulariser les résultats, augmenter la quantité et parfois la qualité des racines produites. Si la réussite des boutures dépend de la saison, l’utilisation de cette substance permet de prolonger la période de bouturage. On trouve dans le commerce des poudres à base d’auxine. Il s’agit principalement de deux auxines de synthèse : l’AIB (Acide indole butyrique) et l’ANA (Acide naphtalène acétique). Les deux sont plus efficaces que l’AIA car plus stables dans la plante. L’AIB, moins risquée pour la plante, est la plus utilisée. L’auxine de synthèse la plus connue, le 2-4D, étant un herbicide puissant, il est très important de respecter les modalités d’utilisation de ces produits. Si les boutures sont herbacées et en phase de croissance, il est nécessaire de les placer dans un environnement évitant la perte d’eau et dans des conditions permettant une reprise d’activité métabolique (lumière, température) car les réserves nécessaires à la croissance des racines puis de la tige sont limitées. Si les boutures prélevées sont lignifiées, aucun équipement sophistiqué n’est nécessaire. Les réserves, rapatriées depuis les feuilles à l’automne, sont stockées dans les tiges et disponibles dès la reprise de croissance. Il faut cependant faire en sorte que les bougeons n’entrent en croissance qu’après l’enracinement. Un bouturage de fin d’été ou d’automne sera plus adapté qu’un bouturage de printemps pour les espèces dont la dormance des bourgeons est levée par le froid de l’hiver.

 

Les feuilles aussi se bouturent

Lorsqu’on bouture une tige, pour peu qu’on respecte sa polarité, la base donne les racines adventives et la partie apicale entre en croissance, soit par le bourgeon terminal, soit par un ou plusieurs bourgeons axillaires pour redonner le nouvel individu. Il existe une autre possibilité de bouturage d’une grande efficacité pour certaines espèces (Begonia, Saintpaulia, Peperomia, Sanseveria, Echeveria) : le bouturage de feuille ou de fragment de feuille. Dans ce cas, le phénomène primordial est la formation de bourgeons de novo, les tissus réactifs ne sont plus les tissus profonds mais les tissus superficiels (épiderme, sous-épiderme). De ce fait, les bourgeons obtenus à partir d’une feuille de Sanseveria panaché ne présentent plus de panachure. L’enracinement des bourgeons se réalise spontanément. Le maintien en survie de la feuille bouturée est fondamental. Il est obtenu soit par l’enracinement de la feuille ou de son pétiole, soit par l’existence des réserves dans la feuille (feuilles crassulescentes).

Bouture de feuille Sanseveria © - H. VidalieBouture de feuille Saintpaulia - © H. Vidalie



Cet article est une synthèse des réponses aux questions d'intérêt posées sur le service Hortiquid.
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JdF 622, mars-avril 2013

 

3 thoughts on “Le bouturage ou comment naissent les racines adventives”

  1. demande de conseil :
    j’ai fait démarrer 2 plantes exotiques , palmier royal nain et multipliant et depuis quelque temps la pousse est bloqué, il n’évolut plus du tout.. je l’ai changé de pot mais rien ne se passe.. que puis je faire??
    merci d’une réponse .
    J. Tirbois

    1. Bonjour,

      Nous vous invitons à poser votre question aux experts de la SNHF sur le service de questions/réponses HortiQuid: http://www.hortiquid.org. Ils se feront un plaisir de vous répondre.

      Bien cordialement.
      L’équipe de la SNHF

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