Des dahlias et des hommes : une histoire de passion

Armand Boubay

Originaire des hauts plateaux du Mexique (2000 m) et des régions montagneuses, le dahlia est considéré comme le symbole de la floriculture mexicaine. Cultivé par les Aztèques, il est estimé à l'époque de l'empereur Moctezuma et tout particulièrement, par son neveu, le roi poète Netzahualcoyoti.

 

Un bel avenir était prédit pour le Dahlia. Ici, la variété récente ‘Idylle’ qui a obtenu un Label Rouge  Un bel avenir était prédit pour le Dahlia. Ici, la variété récente ‘Idylle’ qui a obtenu un Label Rouge © J.-F.C.

Un bel avenir était prédit pour le Dahlia. Ici, la variété récente ‘Idylle’ qui a obtenu un Label Rouge © J.-F.C.

 

Lorsque le conquistador espagnol Hernán Cortes arrive au Mexique en 1519, Moctezuma II le prend pour le dieu-roi aztèque Quetzalcóatl. Il lui offre des présents et reconnait la suzeraineté de Charles Quint. Il ne semble pas que cette période de conquête espagnole au Mexique (1519-1524) fasse référence à la plante aztèque. Pourtant, cette plante poussait spontanément et servait de nourriture aux animaux et aux hommes. On s'en parait les jours de fêtes, tant les fleurs étaient appréciées. Il faut attendre l'époque de Francisco Hernandez, physicien du roi Philippe II d'Espagne qui explore la nature mexicaine de 1570 à 1577 et revient en Espagne avec16 volumes sur la flore locale. Une partie, seulement, de son oeuvre est publiée en 1651 et fait apparaître la première illustration de « Dahlia pinnata » sous le nom de « Coloxochitl », cultivé par les Aztèques et servant de plante ornementale et médicinale.

 

Quand le Dahlia s’impose

La plante apparaît avec certitude à l'île Bourbon (île de La Réunion) en 1712 ainsi qu'à Annonay en Ardèche dans la famille de Montgolfier vers 1715. Deux frères Montgolfier s’intéressent au dahlia sans succès vers 1712. Des dahlias sont envoyés par un habitant de l'île de La Réunion à l’un des frères avec succès vers 1715. Les périodes de famine à l'époque étaient fréquentes d'où l'insistance à introduire le dahlia pour le réserver à des fins alimentaires et motiver certains chercheurs et botanistes. Vers 1788, le professeur Vicente Cervantès, directeur du jardin botanique de Mexico, envoie des graines, en Espagne, à l'abbé Antonio-José Cavanilles qui avait suivi à Paris, les cours de botanique d'André Thouin et d’Antoine-Laurent de Jussieu et devint en 1801, directeur du jardin botanique de Madrid. Des souches furent remises à Gomez Ortega et plantées au jardin botanique de Madrid, où la floraison eu lieu en 1790.


 

Dahlias nouveaux à fleur d'anémone

Dahlias nouveaux à fleur d'anémone

Une explosion de diversité

Les travaux d'André Thouin furent très importants car, en 1804, il prévoyait déjà une utilisation de souches pour divers besoins, tant par « leur volume que par la substance farineuse ». Quand à l'utilisation florale, il préconise l'emploi dans les plates-bandes, les parterres, les jardins paysagers, associé à d'autres plantes et végétaux ligneux motivant ainsi les cultivateurs pour la beauté des plantes. Vers la même époque (1802-1803), le baron Alexander Von Humboldt et Aimé Bonpland explorent la nature mexicaine. En parcourant les hauts plateaux entre 1700 et 2000 m d'altitude, ils découvrent à l'état spontané un champ entier de dahlia en fleurs. Méconnaissant le nom de « dahlia », ils donnent à la plante celui de « géorgina » souhaitant la dédier à John Gottlieb Georgi, professeur de botanique à Saint-Pétersbourg. Des souches furent envoyées en France, en Angleterre et en Allemagne au grand botaniste Wildenow qui proposa le nom « géorgina » ; nom qu’on retrouvait encore en 1934 dans divers catalogues allemands. Cependant, la dénomination «dahlia», étant plus ancienne, elle est adoptée, à Versailles, au XIXème siècle.

 
novembre-décembre 2013

Un dahlia jamais vu

A partir de 1804, C’est l'engouement pour le dahlia. Les variétés produites augmentent sans cesse, les couleurs et les formes également. En 1806, le jardin botanique de Berlin possède 55 variétés de fleurs simples à semi doubles. En 1828, les frères Jacquin, grainetiers à Paris, publient un catalogue qui énumère 454 variétés de dahlias doubles (« Essai sur la culture, la nomenclature et la classification des dahlias » - Paris 1828). En 1936, le registre annuel du dahlia, publié en Angleterre, mentionne 700 variétés. En 1864 le hollandais Van Der Berg reçoit, du Mexique, une collection de plantes dans laquelle se trouvait un bulbe de dahlia jamais vu avec des pétales aux extrémités pointues et recourbées. La plante est haute et vigoureuse et la fleur dépasse de beaucoup la hauteur du feuillage. Ce dahlia reçoit le nom de « Dahlia Juarezii », en l'honneur du président de la république mexicaine Bénito Juarez (1806-1872).

 

Apparition à Malmaison

On lui donne également le nom de « cactus » à cause de sa ressemblance avec la fleur de cette plante (Cereus speciosissimum, Heliocereus speciosus). Cette plante donne naissance à deux nouvelles catégories de dahlias connues sous le nom de « cactus » et « hybride de cactus » ; l'espèce arrive en Angleterre et le « Gardener’s Chronicle » est le premier à en publier des illustrations en 1879. 1870 voit la naissance de la « Dahlia National Society » en Angleterre et la création du dahlia « pompom ». Le dahlia fait son apparition à la Malmaison grâce à Aimé Bonpland et à Pierre-Joseph Redouté qui excelle dans la reproduction des fleurs du jardin. Ainsi au fil des ans et depuis la nuit des temps, l’avancée du dahlia ne s'arrête pas.

 

Les principales races de Dahlias

Variétés nouvelles de Dahlias Cactus

Dahlias hybrides (race Cactus lacinié)

1: Les principales races de Dahlias.
2: Variétés nouvelles de Dahlias Cactus.
3: Dahlias hybrides (race Cactus lacinié)

 

Des amateurs passionnés

Des milliers de femmes et d'hommes amateurs, animés par la passion du dahlia, ont œuvré pour la promotion du Dahlia : le chevalier Soulange-Bodin, le jurisconsulte Deschienne, Desprez, Vernon, Baltet et bien d'autres encore. Desfontaines, en 1829, rassemble les diverses espèces de dahlia sous la dénomination de Dahlia variabilis. Les modes passent, on manifeste moins d'intérêt pour certains dahlias tels que le «dahlia nid d'abeille». C’est le temps des dahlias décoratifs dont les premiers furent créés par Jules Chrétien, jardinier en chef du Parc de la Tête d'or à Lyon; du « dahlia à collerette » faisant suite aux travaux du professeur Gérard, directeur du Parc de la Tête d'or et de Monsieur Chabanne ; d’un nouveau venu pour l'époque, le « dahlia à fleur d'anémone » suite aux recherches de Monsieur Servan, cultivateur à Saint-Rémy de Provence ; du « dahlia nain » aussi recherché grâce aux travaux de Monsieur Charmet de Lyon ; du dahlia fabuleux «Etoile Digoinaise», créé par Monsieur Martin de Digoin (Saône et Loire) ; du dahlia «stella» de Messieurs Rivoire père et fils de Lyon ; du dahlia « cactus hybride lacinié » résultat des recherches de Mademoiselle Léger de La Pape (Ain) ; et du dahlia « à fleur de pavot » créé par Monsieur Édouard Lasalle, horticulteur à Carcassonne.Des horticulteurs et des cultivateurs aux noms bien connus ont œuvré pour la promotion du dahlia : Antoine Pezant, Paul-Henri Baudrier, Raymond Chevalier, Victor Tourly, Jean Laborde, André Dognin, Michel Larrode, Monsieur et Madame Camille Delahaye, Louis Laurent, Paulette et Georges Clenet, Ernest Turc, André Dion, Roger Beldon, Jean-René Mollard, Daniel Moncharmont.


Des professionnels et associations dahliophiles

Des maisons horticoles aux noms célèbres comptent plusieurs décennies en faveur du dahlia : Vilmorin, Andrieux, Georges Delbard, Georges Truffaut, Clause, Dahlia de France, Ernest Turc…. Des sociétés et associations œuvrent aussi pour sa promotion : La Société Nationale d'Horticulture de France (SNHF) Section Dahlia, la Société Française du Dahlia, la Société Nantaise du Dahlia, l'Association Départementale des Amis du Dahlia de Seine-Saint-Denis. Et, bien sûr, des milliers de « dahliophiles » qui fleurissent la France avec le dahlia. La perspective est immense. André Thouin avait raison, en 1804, lorsqu'il prévoyait un bel avenir pour le dahlia au jardin.

 

Un article posthume

Armand Boubay est décédé peu de temps après nous avoir remis son article. Philippe Turc, des Ets Ernest Turc, qui l’a bien connu, nous délivre quelques éléments sur ce passionné de Dahlias : « Armand était un énorme et inlassable promoteur du dahlia: animations dans les jardineries de la région parisienne le week-end, promotion dans le cadre de ses fonctions de chef-jardinier auprès des communes voisines. Il a organisé des baptêmes de dahlias dans de très nombreuses communes du 93, notamment à travers l'association qu'il présidait « Association départementale dahlia 93 ». Il aimait toutes les formes de dahlias, intarissable  sur l'histoire et l'origine des variétés, bref un très grand amateur, généreux, convivial et d'une disponibilité sans égal !

 

novembre-décembre 2013

2 thoughts on “Des dahlias et des hommes : une histoire de passion”

  1. Dommage que je ne l’ai pas su-c’était un ami qui m’a promu pour être Chevalier et Officier de l’Ordre du Mérite Agricole et j’ai travaillé avec lui à Saint Ouen, et en plus j’étais à la section dahlia de la SNHF
    Mon ami Armand-je te regretterais

  2. Armand. ta passion piur le Dahlia tu la transmise à tout tes amis
    Aujourd’hui tu manques à toute la communauté horticole
    Je pense à toi.

Les commentaires sont fermés.