De l'usage des pesticides : amateur mais responsable

Jean-François Coffin

Pollution du sol, de l’eau, de l’air, menaces sur la santé humaine et la biodiversité : le jardinier amateur est en partie responsable des dégâts causés par l’usage d’engrais chimiques et de pesticides.

La prise de conscience sur les effets néfastes des pesticides est de plus en plus importante, et le monde agricole n’est pas le seul concerné. « En France, nous comptons 17 millions de jardiniers et un million d’hectares de jardins qui reçoivent environ 5 000 tonnes de pesticides chaque année. Cela représente 5 % des usages des pesticides en France », précise notre ministère en charge de l’Environnement. Certains estiment même que particuliers et collectivités pourraient être responsables jusqu’à près de 30 % de la pollution de l’eau par les pesticides !

Un accord cadre a été signé le 2 avril 2010 pour répondre aux engagements du plan Ecophyto 2018 dont l’objectif est de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2018.
Un volet spécifique concerne les ZNA, zones non agricoles, dont font partie les jardins. Il vise notamment à réduire et sécuriser les produits phytopharmaceutiques destinés au jardinage amateur, en développant et diffusant des outils spécifiques pour la diminution de l’usage des pesticides et la promotion des bonnes pratiques. La SNHF, mais aussi les principaux acteurs de la distribution jardin comme l’UPJ [1], sont signataires de cet accord, conscients des dégâts que peut provoquer un mauvais usage des produits par les jardiniers amateurs.

 

Des dangers pour la santé humaine

« Irritations, vomissements, pertes de conscience, œdèmes pulmonaires, cancers, leucémies, diminution de la fertilité... sont autant de symptômes liés à l’utilisation ponctuelle ou répétée de pesticides », indiquent les organisateurs de la semaine sans pesticides qui s’est déroulée en mars dernier en Belgique. Le jardinier amateur doit être conscient qu’il peut encourir les mêmes risques qu’un agriculteur s’il ne respecte pas les précautions d’usage. D’où l’importance de suivre attentivement les conseils d’utilisation des produits indiqués sur les emballages et aussi prodigués par les professionnels. Mais la nature est également mise en danger par un mauvais usage des produits.

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Le cas des nitrates ?

Les nitrates emportés par les eaux d’infiltration proviennent pour une faible part des engrais, estime le CNRS. L’essentiel provient de la production de nitrates par la matière organique morte des sols. Dilemme pour le jardinier à qui l’on vante l’intérêt du compost, de l’apport de matière organique, d’humus dans son jardin. Comme pour tout, il doit agir avec bon sens et modération….

Sol et biodiversité menacés

« Le sol est soumis à des menaces de plus en plus nombreuses, provenant des activités humaines », alerte l’ADEME [2] qui rappelle celles les plus préoccupantes définies par la Commission Européenne. Elle précise « qu’il est généralement considéré que les fonctions les plus vulnérables vis-à-vis de la santé humaine sont notamment celles liées aux productions alimentaires, à grande et petite échelle (du jardin potager aux cultures), et celles visant à la fonction de filtration et de stockage des eaux souterraines, principale source d'eau potable ».
Il existe peu de données concernant la pollution des sols de jardins par les pesticides. Le rapprochement peut être cependant fait par les travaux menés dans le monde agricole, car le principe de pollution reste le même : « Tous les pesticides épandus ne remplissent pas leur emploi. Une grande partie d’entre eux est dispersée dans l’atmosphère, soit lors de leur application, soit par évaporation ou par envol à partir des plantes ou des sols sur lesquels ils ont été répandus », précise le CNRS. Ils retombent avec les pluies directement sur les plans d’eau et sur les sols d’où ils sont ensuite drainés jusque dans les milieux aquatiques.

L'emploi abusif des pesticides au jardin : traiter ou pas ?

Jusqu’au robinet

Conséquences : pollution des eaux de surface et souterraines, intoxication des organismes aquatiques, destruction des micro-organismes qui sont indispensables au maintien de la fertilité du sol, toxicité vis-à-vis des insectes, acariens utiles au jardin, résistance des espèces nuisibles aux pesticides, rendant le produit inefficace et, au bout de la chaine, contamination de l'eau du robinet.
On admet que la source la plus importante de contamination par des pesticides demeure la négligence : stockage dans de mauvaises conditions, techniques d’application défectueuses, rejet sans précaution de résidus ou d’excédents. Alors, jardiniers, si vous devez vraiment traiter, faites-le en étant responsables.

 


[1] UPJ : Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics, www.upj.fr

[2] ADEME : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, www.ademe.fr