Comment reconnaître les pommiers et poiriers sauvages ?

Thierry Lamant

Il existe en France, quatre espèces de poiriers autochtones et une seule de pommier.
 

Fleurs de Malus sylvestris - © L. Lévêque

Fleurs de Malus sylvestris - © L. Lévêque
 

Le pommier commun (Malus sylvestris Mill.) est visible sur l’ensemble de notre territoire quoique plus rare en région méditerranéenne, mais à l’instar des autres fruitiers, toujours disséminé ou en petits groupes. Il se rencontre de l’étage collinéen et jusqu’à 1400 m d’altitude à l’étage montagnard. En dehors de nos frontières, on le rencontre dans toute l’Europe sauf dans sa partie la plus septentrionale et jusqu’en Afrique du Nord ainsi que dans l’Ouest et le Sud-Ouest du continent asiatique. Malus sylvestris est une espèce héliophile qui préfère les milieux ouverts et les lisières. Elle tolère l’ombre mais sa croissance est alors très lente et comme tous les fruitiers dans de telles conditions, il ne fructifie quasiment pas. Il se développe sur matériaux alluviaux, limoneux et argileux, qu’ils soient purs ou caillouteux et de pH assez varié, de préférence basique. Sa longévité est comprise entre 70 et 100 ans.

 

Malus sylvestris - © R. Trembleau Malus sylvestris - © R. Trembleau Malus sylvestris - © R. Trembleau Malus sylvestris - © R. Trembleau

 

Pour ce qui concerne les poiriers, il existe une espèce spécifique du climat méditerranéen, Pyrus amygdaliformis Vill., dont les feuilles rappellent celles de l’amandier (Prunus amygdalus Stokes). Il vit jusqu’à 1700 m d’altitude dans la majeure partie de l’arc méditerranéen et notamment en Corse. C’est un petit arbre héliophile qui pousse sur sols d’origine calcaire, décarbonatés ou non et sur terres siliceuses. Sa longévité est d’au moins un siècle.


Pyrus pyraster Borkh.

est pratiquement visible sur l’ensemble du territoire national (Pyrénées, Corse, Nord des Alpes et du Jura exclus) mais pas au-delà de 1600 m d’altitude en France. Son aire naturelle est vaste puisqu’on le rencontre de l’Ouest de la péninsule ibérique jusqu’en Ukraine ; à l’Est de l’Irak et jusqu’au Nord de l’Iran en passant par l’Italie, le Nord de la Grèce et de la Turquie. Sa limite septentrionale est le Sud des Pays Baltes. Enfin, c’est une espèce thermophile et héliophile mais qui tolère la mi-ombre et qui vit sur sols secs à très frais qu’ils soient argileux ou limoneux et plus ou moins caillouteux. Sa longévité est estimée à plusieurs siècles.



Pyrus pyraster (poirier commun) - © F. Masse

Pyrus pyraster (poirier commun) - © F. Masse


Pyrus cordata Desv.

est le moins connu de nos poiriers et on ne le rencontre que dans les trois quarts Ouest de la France c'est-à-dire des Pyrénées centrales et du pays basque jusqu’en région Centre et au Sud de la Bretagne en passant par la Champagne dite humide, de l’étage collinéen jusqu’à la base de l’étage montagnard, avec 1200 mètres pour limite altitudinale française. Ailleurs, il est présent en bordure Ouest du continent, allant du centre du Portugal au Sud-Ouest de l’Angleterre. Pyrus cordata est une espèce thermophile et héliophile mais tolérant toutefois la mi-ombre et qui pousse sur sols acides sableux ou limoneux et plus ou moins caillouteux. On le rencontre aussi en milieux ouverts. Sa longévité est inférieure à l’espèce précédente.

 

Pyrus nivalis Jacq.

est localisé de l’Anjou à la Savoie en passant par la Bourgogne et du Limousin au Gard. Il présente des formes hybrides avec Pyrus pyraster. Ce poirier a été favorisé un temps pour la production de ses fruits, utilisés pour confectionner le Poiré. Celui-ci rivalise en dimensions et en longévité avec le pommier sauvage. Il occupe également des milieux assez ouverts.

 

Les principaux critères d’identification de ces espèces, sont les bourgeons, les dimensions du pétiole, la persistance du calice sur le fruit la présence d’aiguillons et enfin, la couleur de l’écorce interne. En tant que forestier, j’ai eu l’occasion dans le passé de procéder à des balivages, autrement dit un acte de sélection d’arbres pour l’avenir, dans des forêts communales de la Haute-Marne, parmi d’autres fruitiers comme le cormier, l’alisier blanc et l’alisier torminal, sur sols calcaires et argileux. On repérait les arbres à conserver en les marquant d’une petite marque de griffe forestière. Celle-ci laissait apparaître la couleur de l’écorce interne du tronc et c’est ainsi que je me suis rendu compte d’un critère jamais évoqué dans les ouvrages dendrologiques, si ce n’est dans des ouvrages américains traitant du genre Quercus. En l’occurrence, cette écorce interne est jaune chez le pommier et blanche chez les poiriers ! Ce caractère est précieux en dehors de la saison de végétation. On peut y ajouter, l’observation des feuilles mortes, qui ne noircissent pas chez le pommier.

 

Lorsque les arbres sont feuillés, on distingue aussi le pommier des poiriers au pétiole, toujours plus court chez le premier. De plus, les étamines sont jaunes chez les pommiers et rouge plus ou moins pourpré chez les poiriers. Parmi les poiriers, seul Pyrus nivalis serait exempt d’aiguillons (appelés plus familièrement « épines »). Cet arbre est aussi le seul susceptible de conserver intégralement l’aspect velu du revers de son limbe en fin d’été. Ensuite, les bourgeons ont une position écartée du rameau et sont glabres chez P. cordata et P. pyraster ce qui ne se constate pas chez P. nivalis et P. amygdaliformis. Ce dernier possède un limbe étroit (deux à trois fois plus long que large), ce qui n’est pas le cas des autres (tout au plus 2 fois plus long que large chez le plus proche, P. nivalis). Tous les poiriers conservent leur calice en position terminale du fruit sauf P. cordata qui ne le conserve pas et dont les fruits sont en outre rougeâtres et jamais pyriformes. Il est à noter que les critères de longueur de pétiole, de forme du limbe  et de persistance des calices ne s’applique pas systématiquement au genre Malus, un certain nombre d’espèces asiatiques ne remplissant pas les conditions évoquées précédemment.

 

Ces quatre taxons sont tous à pollinisation entomophile et la dissémination des graines est assurée par les animaux (oiseaux, mammifères). Ils rejettent tous de souche et drageonnent. Ce dernier mode de dispersion étant favorisé en cas de concurrence vis-à-vis de la lumière, sans savoir pour autant ce qui le déclenche de manière systématique.

 

On a vu que ces arbres étaient des espèces disséminées, c'est-à-dire dont le comportement est à l’opposé de celui d’une essence dite sociale comme les chênes qui vivent en grandes populations pouvant être pures ou presque. Ce sont de petits arbres et rares sont ceux qui sont en situation de développer des floraisons et donc fructifications sur un houppier complet ou bien développé, réduisant ainsi fortement les possibilités de production de graines viables. La reproduction végétative est alors la principale possibilité d’expansion cependant limitée en superficie dans le temps. Historiquement, les gestionnaires les ont parfois favorisés dans le cadre d’espaces forestiers plus particulièrement dédiés à l’activité cynégétique. On peut aussi ajouter que la qualité de leur bois utilisable en tournerie leur a permis d’être maintenus dans des conditions où ils auraient naturellement disparu. Les deux espèces de poiriers non méditerranéens sont susceptibles de s’hybrider entre elles. La transition est alors aisée pour évoquer les risques d’abâtardissement de ces espèces sauvages par hybridation avec des variétés fruitières cultivées.

 

Bibliographie

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Durand (R.) : Les arbres, Guide vert Solar : 1988.

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Mathieu (A.) - Flore forestière, 3e édition entièrement revue et considérablement augmentée - Berger-Levrault, Paris : 1877.

Rameau (JC.), Mansion (D.), Dumé (G.) : Flore forestière française, Tome 1, IDF : 1989.

Stace (C.A.) - New flora of the british isles - Cambridge university press : 1997.

Rameau, JC. ; Mansion, D. ; Dumé, G. ; Gauberville, G. - Flore forestière française, Tome 3 : région méditerranéenne - IDF : 2008.